Débrief du One Planet Summit : Emmanuel Macron aux commandes ?

Publié le 14/12/2017

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Le sommet international du climat voulu par le président français s’est tenu le 12 décembre à Paris. Place to B était sur place pour suivre ce One Planet Summit et vous raconter ce qui s’y est déroulé. Alors, le sommet du concret un mois après la COP23 ou une opération de communication présidentielle ? On vous dit tout !

Un sommet voulu par un homme

Petit retour en arrière pour commencer. Le One Planet Summit a été annoncé par Emmanuel Macron le 8 juillet dernier. Cette annonce faisait suite à la décision de Donald Trump de faire sortir les Etats-Unis de l’Accord de Paris, prise un mois plus tôt. Le but du président français était alors clair : prendre le leadership sur le climat et renforcer le compromis trouvé il y a deux ans jour pour jour à Paris. Le One Planet Summit se voulait un sommet de l’action concrète et surtout de la finance verte. Le président Macron avait prévenu, il voulait des engagements financiers de la part de tous les acteurs pour confirmer la dynamique positive de la COP21. Alors, contrat rempli ?

Les petits plats dans les grands pour le climat

La première chose qui a pu frapper les participants à leur arrivée était l’écrin choisi pour accueillir ce sommet international. La Seine Musicale est un très beau lieu, encore très neuf et aux grandes salles parfaitement adaptées à l’accueil du public. La sécurité était très présente avec plusieurs contrôles (au moins trois !) entre la sortie du métro, l’accès à l’île Seguin et l’entrée sur le site de l’événement lui-même. L’organisation avait conseillé aux participants d’arriver tôt compte tenu de l’affluence pressenti. Avec, 4 000 participants, le sommet a été un succès de ce côté-là.

Le millier de journalistes accrédités témoigne quant à lui du succès médiatique de la démarche. La programmation était elle plutôt simple à suivre. 4 panels distincts avant la session de haut-niveau des chefs d’état et ministres. Il est évidemment plus facile d’organiser un tel événement sur une journée et sur un lieu unique que sur deux semaines et deux lieux, comme cela était le cas à Bonn pour a COP23. Une simplicité appréciable pour ceux habitués aux COP. Sur ce point au moins, il ne semblait pas que le but était de faire une COP bis. Plutôt d’organiser des tables rondes où les panels se succédaient rapidement pour permettre aux intervenants de venir présenter leurs engagements pour le climat.

Le sommet de l’action ?

Au-delà de la forme, impressionnante, c’est bien entendu sur le fond qu’il faut évaluer ce sommet. A-t-il véritablement fait la différence au niveau des financements par rapport à Bonn ? Que peut-on retenir des annonces qui y ont été faites ? C’était toute la question que se posaient les participants de la société civile. Les ONG attendaient des actes forts et des décisions fortes après une COP décevante de ce côté-là. Selon les experts et les scientifiques, il ne reste plus que quelques années pour réorienter notre économie sur une pente moins dangereuse pour protéger le climat. Et ce sommet se voulait être celui des états qui veulent passer à l’action.

Effectivement, quelques engagements ont été pris à l’occasion du One Planet Summit par les acteurs présents. On retiendra avant tout l’annonce de la Banque Mondiale qui arrêtera de financer l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz après 2019. Un signal important pour stopper les subventions vers les fossiles encore trop nombreuses. On notera aussi le développement des marchés carbone américains et chinois. Du côté des acteurs publics, peu d’autres éléments importants à noter. Il faut se tourner vers le privé et notamment les fonds d’investissement, souverains ou privés, pour voir quelques engagements intéressants. Plusieurs se sont engagés à verdir leurs investissements mais seulement à hauteur de 5% ou un peu plus. Difficile avec de tels chiffres de parler pour le moment de révolution pour la transition.

Encore beaucoup de communication

Et c’est justement cela qui a été ressenti par beaucoup d’acteurs présents au sommet. Les intervenants des différents panels, bien que de très bon niveau, n’avaient pas beaucoup de nouveaux éléments à proposer. Des initiatives datant des COP précédentes étaient rappelées : l’Alliance Solaire Internationale ou le Fonds de Lutte contre la Dégradation des Terres et la Désertification. Nombreux étaient ceux à en appeler à la bonne volonté des entreprises et des investisseurs privés. Le président du fond vert lui-même en était réduit à rappeler que la clé est de catalyser le financement privé. L’Agence Française de Développement (AFD) a annoncé sa volonté d’être la première agence au monde « 100% Accord de Paris ». Alors même qu’elle est accusée par plusieurs ONG de continuer à financer des projets fossiles et même charbonniers.


Le One Planet Summit a réussi à réunir banques de développement, chefs d’état, grandes entreprises, philanthropes et collectivités locales. Mais ils n’ont pas été en mesure d’annoncer beaucoup plus que des alliances et de nouveaux processus de travail. Ainsi que leur souhait de voir augmenter le prix du carbone, encore beaucoup trop bas pour peser. Au final, et même si cela était la priorité du président Macron, les chiffres des nouveaux engagements sont restés bas. Certes, il y a eu des promesses renouvelées et des messages forts mais désespérément peu de nouveaux financements. On manque encore d’identifier comment pourrait être tenu l’engagement des 100 milliards annuels pour aider le Sud face au changement climatique.

La position centrale du président français

Le plus grand enseignement de ce sommet voulu et organisé par Emmanuel Macron est sans doute la place centrale pris par ce dernier sur les questions climatiques. Sa parole semble être aujourd’hui la seule capable de porter sur ces questions auprès des autres chefs d’état. La mise en scène était d’ailleurs préparée pour accentuer cet état de fait. Retard du président français forçant les autres chefs d’état à attendre patiemment dans l’assemblée placée face au public. Retransmission en direct dans la salle de sa descente du bateau pendant que les animateurs doivent meubler. Puis, discours d’ouverture lancé autour d’une phrase qui a depuis été citée dans tous les médias.


Emmanuel Macron se permet même de conclure son intervention en faisant la leçon aux autres participants. Ils ne pourront s’exprimer que s’ils ont une annonce concrète à faire ! Diplomatiquement assez difficile à croire et pourtant, comme à la COP23, il est celui qui reçoit les plus grandes salves d’applaudissements. A l’exception peut-être des nombreux représentants américains : Arnold Schwarzenegger, Bill Gates, Sean Penn, John Kerry ou le sénateur de Californie, Jerry Brown. Venus défendre l’America’s Pledge et l’idée que Donald Trump est isolé et n’impacte qu’à la marge les efforts américains, ils sont d’ailleurs les premiers à encenser le président français.

On a l’impression d’assister à un échange de bons procédés. Les américains ont en effet tout intérêt à se servir de son image positive sur la question climatique. Elle leur permet d’accentuer le fossé avec Donald Trump et de souligner son isolation sur la scène internationale. Au final, on n’aura jamais autant entendu et surtout acclamé les américains dans les sommets climat que depuis l’annonce du retrait !

Le regard des ONG françaises

Le One Planet Summit aura été un succès pour Emmanuel Macron et l’image de la France comme championne du climat. Comme on l’a vu, les avancées ne sont pas suffisantes pour en dire autant sur le fond de la question climatique. C’est la conclusion des ONG françaises qui dénoncent un « écran de fumée ». Si elles saluent les décisions de la Banque Mondiale ou d’Axa, qui va désinvestir et réduire ses soutiens assurantiels au charbon et aux sables bitumineux, elles considèrent que le compte n’y est pas. Ainsi la récente mobilisation des banques françaises reste dénoncée comme superficielle. Entre 2015 et 2016, leurs financements des énergies fossiles ont eux encore augmenté de 135%.

On comprend mieux pourquoi les ONG avaient décidé de placer le 12/12 sous le signe de la mobilisation « Pas un euro de plus pour les énergies du passé ». Quelques centaines de militants représentants d’une trentaine d’organisations avaient ouvert la journée par une manifestation place du Panthéon à Paris. Malgré la faible médiatisation de cette action, la nécessité de stopper toute subvention des énergies fossiles étaient bien sur toutes les lèvres au sommet. La nécessité mais pas encore la réalité hélas. Ainsi la France n’a fait aucune annonce concernant la suppression des 7 milliards qui continue à soutenir les fossiles. Comme à la COP23, l’exemplarité française vue de l’international reste donc largement mise en doute par les organisations locales.

A l’année prochaine pour le prochain One Planet Summit

Emmanuel Macron a conclu le sommet en donnant rendez-vous dans un an pour une seconde édition. D’ici là, la One Planet Coalition et une plateforme dédiée seront lancées. Cette dernière devra recenser et surtout suivre les engagements pris par les participants. Le président français a fortement insisté sur ce point, l’urgence étant selon lui à la transparence et à l’accomplissement des promesses faites. On verra à quel point ce suivi sera fait et quelles seraient les possibles conséquences pour ceux prenant du retard. Autre question, comment les négociations climatiques de 2018 s’accommoderont de la concurrence d’un nouveau sommet international en plus de celui prévu en Californie en septembre ?

2018 sera en tout les cas une année charnière. Le mécanisme d’application de l’Accord de Paris doit être finalisé en fin d’année lors de la COP24. Et il ne reste que peu de temps pour tenir les engagements pré-2020. Le mince espoir d’un réchauffement limité à 2°C est à ce prix.

Place to B devrait être là pour suivre tout ça !

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