[Climate Chance 2017] L’interview de Ronan Dantec

Publié le 06/09/2017

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A l’occasion de la dernière conférence de presse de l’association Climate Chance avant le début de la seconde édition du sommet (qui commence le 11 septembre prochain !), nous avons eu la chance de rencontrer Ronan Dantec, président de l’association Climate Chance et sénateur EELV de Loire-Atlantique.
Avec lui, nous avons pu faire un bilan de pré rentrée des questions climatiques, revenir sur un début d’année sous l’ombre de Trump et évoquer ce que nous pouvons attendre des prochains rendez-vous climat sans langue de bois !

La principale actualité climatique de ce début d’année a été le retrait des USA de l’accord de Paris par Donald Trump. Quelle analyse peut-on en faire et avez-vous pu déjà observer de premières conséquences ?
La décision de Trump n’est évidemment pas en soi une bonne nouvelle puisqu’elle va ralentir la mise en route d’une politique américaine structurante et entraîner des retards par rapport aux engagements pris par Obama, notamment sur les centrales à charbon. Mais je pense que nous pouvons voir avec le recul des 6 derniers mois que ce retrait des USA n’a pas une influence très forte sur la dynamique de la négociation climat. Parce qu’après l’Accord de Paris, la question fondamentale sur la question climatique est la mise en œuvre de l’action. La décision de Trump réinterroge un grand accord international mais il faut en réalité plusieurs années pour vraiment en sortir. Sur la mise en œuvre, cette décision ne change rien à la baisse du prix du photovoltaïque. Elle ne change pas non plus grand-chose au fait de réfléchir avec les banques de développement sur les meilleures manières de faire en sorte que l’argent arrive aux acteurs. Je pense donc qu’elle n’a pas une importance si capitale au final. D’une certaine manière, sans quand même dire que c’est une bonne nouvelle par ce qu’elle entraîne en réaction, je ne vais pas jusque là, elle a mis l’accent sur le fait que l’enjeu c’est bien l’action, notamment portée par les acteurs non étatiques, les collectivités et les entreprises. Et sur cette dynamique je ne pense pas qu’elle ait aujourd’hui beaucoup de conséquence.

Avez-vous trouvé satisfaisantes les réactions qu’elle a immédiatement entraînées de la part des autres dirigeants notamment, au G7 par exemple ?
Oui, tout à fait. J’étais alors en Australie où Climate Chance a animé les moments climat du sommet mondial de la ville durable Ecocity. Le fait que les australiens, par exemple, qui ne sont pourtant pas très allants au niveau de leur gouvernement fédéral sur les questions climatiques, n’emboîtent pas le pas de Trump est quand même un signal. J’étais à Melbourne qui est une ville qui cherche la neutralité carbone dans un temps relativement court. On voit bien que la décision de Trump reste extrêmement isolée. De même, pourrait-on dire, que la quasi-totalité de ses prises de position internationales. On a quand même le sentiment que c’est un président qui va être un peu mis sous cocon, y compris par une partie de l’administration américaine. Et qu’aux Etats Unis beaucoup de gens sont déjà dans l’après Trump. Le fait qu’aucun dirigeant n’embraye le pas est un signal important. Cela montre également que la plupart des opinions publiques à l’échelle internationale sont convaincues aujourd’hui de l’enjeu climatique. A l’exception notable d’une partie de l’opinion publique américaine; sinon Trump n’aurait pas été élu. Aucun grand dirigeant ne veut donner un signal aussi négatif à son opinion publique.

Quel est votre pronostic pour la COP23 en fin d’année et la future avancée des négociations climatiques ?
C’est assez difficile. Ce n’est pas une COP centrale, il faut quand même le dire. Elle doit surtout avancer sur les cadres du dialogue de facilitation. Dire comment, dès 2018, les Etats pourront présenter ce qu’ils ont fait et essayer de voir s’ils peuvent augmenter leur ambition. Toutes ces COP intermédiaires sont souvent décevantes. Par contre, peut-être que le groupe de négociations américain jouera sur le frein à main avec les Russes. Si on fait un bilan international, Poutine n’a pas été très allant sur le climat cette année non plus. Il y a toujours le risque que ça n’avance pas très vite sur le dialogue de facilitation. Cela nous permettra de voir les capacités de blocage et à l’inverse le volontarisme des pays leaders sur le climat. Fondamentalement, jusqu’au lancement du dialogue de facilitation, l’enjeu sera de montrer concrètement ce qui se fait et d’avancer sur des propositions opérationnelles, notamment sur le financement. C’est d’ailleurs là-dessus que Climate Chance est positionné. In fine, je n’ai pas beaucoup d’attentes sur la COP23 qui, à mon avis, n’est pas un moment clé.

Justement, du côté des acteurs non étatiques et de leurs coalitions, la mobilisation est-elle au rendez-vous ?
Oui, la mobilisation est toujours là. Sans être langue de bois, cela reste quand même assez hétérogène au niveau des coalitions thématiques. Certaines avancent bien et d’autres n’avancent pas beaucoup parce qu’elles ne voient pas très bien ce qu’elles ont à proposer à l’échelle internationale. Mais j’ai quand même le sentiment que nous sommes en train de passer un cap sur la structuration des filières et des stratégies. Avec ce qui se passe en Inde sur le renouvelable par exemple. Avec ce qui se passe évidemment en France qui va être important. J’attends notamment les volets opérationnels du plan Climat de Nicolas Hulot (examiné aujourd’hui en conseil des ministres) pour les trois à cinq prochaines années. Je pense que faire une loi pour laisser les hydrocarbures du territoire français là où ils sont et ne pas les utiliser est quand même un signal intéressant. Il faudra voir si d’autres pays s’y engagent aussi dans la foulée. Donc on a ces dynamiques-là. Je pense qu’au niveau des villes, on va revenir de plus en plus sur toutes les questions de comptabilisation. Il va falloir démontrer maintenant la réalité des efforts. Si on reprend l’histoire récente, au sommet de Lyon, on a pris des engagements assez forts. Depuis ces engagements ont été confortés dans les dynamiques du Under 2 MOU et du Global Covenant. Il va falloir d’ici 2020 montrer que ces engagements sont vraiment suivis d’effets et bien analyser où sont les difficultés et les réussites.

Climate Chance tiendra sa seconde édition à Agadir en septembre prochain. Que peut-on en attendre ?
Déjà, il faut poursuivre la dynamique. Avoir réussi à monter un rendez-vous annuel, ou quasi annuel, de tous les acteurs non étatiques avec des expressions communes, c’est un succès. C’est un outil nécessaire de la dynamique. Il faut qu’à Agadir un certain nombres de coalitions sortent renforcées y compris en s’ouvrant à de nouveaux acteurs et notamment à des acteurs africains. Qu’on n’ait pas que des coalitions portées plutôt par des acteurs des pays développés. Je suis extrêmement heureux que la CCNUCC ait finalement joué le jeu d’Agadir en conviant toutes les coalitions du GCAA sur une réunion spécifique. Ainsi le sommet Climate Chance rentre dans l’agenda international de la CCNUCC. Et Patricia Espinosa elle-même sera bien à Agadir. Ce sera l’occasion de discuter entre coalitions poussées depuis le Sommet de Lyon par Climate Chance et les coalitions GCAA. C’est une très bonne chose car je suis toujours extrêmement attentif à ce qu’on ne fasse pas les choses en double voire en concurrence. Renforcer les coalitions, avoir de nouveau un discours commun de la grande majorité des acteurs non étatiques, c’est ce qu’on retrouve dans la déclaration sur laquelle nous travaillons.Il y a aussi la nécessité de mettre sur la table une feuille de route précise jusqu’au dialogue de facilitation qui clarifie la place des acteurs non étatiques. Il faut noter également une initiative des collectivités locales africaines soutenue par Hakima El Haite et la présidence marocaine qui pourrait correspondre au « We are still in » des américains. Le processus sera lancé à Agadir avec un premier appel mais l’idée est d’y travailler et de prendre rendez-vous pour dans un an à Africités à Brazzaville pour voir à quel niveau de mobilisation on est arrivés. On voit bien l’intérêt et l’enjeu de faire un sommet de ce type. Le fait de faire des sommets génère toujours un peu de scepticisme. Mais en réalité on amène des acteurs à se rencontrer et à développer une stratégie. Si Agadir nous permet de développer une stratégie spécifique des acteurs non étatiques africains, je pense que le sommet rien que là-dessus aura déjà justifié son organisation.

Quels sont les liens qui ont pu être faits avec l’événement Désertif’Actions ?
Une partie des acteurs sont communs. Il y aura des sessions à Agadir sur la migration, sur les Oasis durables qui feront écho à la déclaration Désertif’Actions. Je pense surtout que nous avons permis, à travers notre savoir faire sur la mobilisation des acteurs non étatiques, une parole commune non étatique à Ordos, même si ce n’est pas encore la totalité des acteurs. Il y aura donc une déclaration portée par Roland Ries, le maire de Strasbourg, soutenue par CGLU, le WECF et d’autres. La dynamique est aujourd’hui également lancée pour les acteurs non étatiques de la convention désertification. Donc, oui, évidemment il y a des liens. Nous avons bien-sûr petite difficulté qui est que le sommet à Ordos est un peu dans la même période. Il sera difficile d’amener tous les acteurs de la convention désertification à Agadir vu qu’ils seront à Ordos ! Mais je pense que nous avons créé quand même une première passerelle et qu’elle servira dans les prochaines années.

Quel est votre avis sur le traitement médiatique qui est fait de ces événements et sur les questions climatiques depuis le début de l’année ?
Aujourd’hui c’est un sujet qui ne quitte plus l’actualité. Nous sommes confrontés à la catastrophe à Houston en ce moment donc on voit bien que l’enjeu climatique est en permanence dans l’actualité, et souvent malheureusement en négatif. On le voit également avec le fait que le président Macron remette dors et déjà un rendez vous climatique en décembre, qui reste un peu à définir. Non, c’est un sujet qui ne peut plus quitter, presque malheureusement, la scène médiatique. Peut-être, mais c’est aussi notre responsabilité, faut-il mieux expliquer encore où sont vraiment les grandes décisions à prendre pour réussir à réduire massivement à réduire les émissions. Là-dessus, nous avons encore un effort pédagogique à faire parce que c’est tout de suite un peu plus technique et cela rend la tâche plus difficile pour les médias. Mais, globalement, on ne peut pas dire que le soufflet retombe y compris parce que Trump par ses positions oblige à rester dans le débat climatique.

Sur le cas française plus particulièrement, les questions environnementales et climatiques sont restées très discrètes durant les dernières élections, non ? La responsabilité est-elle au niveau des politiques ou des médias ?
Pendant les élections, oui. Ce qui est vrai, c’est que les journalistes politiques sont en partie responsables… Michel Rocard disait : « le drame des journalistes politiques c’est qu’ils font de la politique« . Il faudrait que les campagnes politiques soient suivis par des journalistes spécialistes des autres sujets : environnementaux, économiques, sociaux, etc. Davantage que par des journalistes politiques qui ont tendance à ramener le débat politique vers vraiment les choses les plus politiciennes. On ne peut être que frappés par la faiblesse des questions posées par les journalistes politiques sur les questions climatiques et environnementales dans les grands débats. On peut quand même noter que l’information principale sur la composition du premier gouvernement Macron, c’est bien le fait que Nicolas Hulot y soit. Le lien avec le climat est fort. Emmaunel Macron a demandé à Nicolas Hulot d’aller très vite sur un premier plan climat où je trouve qu’il y a des choses très intéressantes mais où je considère quand même que la dimension territoriale est trop faible. Je le lui ai dit. Et personne n’est surpris par ma position ! Donc oui, un peu d’absence dans les commentaires d’un certain nombre de journalistes politiques. Mais dans la séquence globale, la question climatique est bien présente a travers la nomination de Nicolas Hulot, ou son acceptation de participer.

Le Tweet d’Emmanuel Macron.

Après le retrait américain, le président Macron a mis en avant un certain leadership français sur les questions climatiques. Est- ce que ce leadership est déjà réel et installé ?
Je pense qu’il reste encore à poser des actes pour montrer que c’est vrai leadership. Notamment je pense que sur la TTF (Taxe sur les Transitions Financières) il y a un peu de contradiction quand même. Emmanuel Macron organise un sommet climat et finance le 12 décembre. Il devra y démontrer que la France est extrêmement volontariste. La particularité du climat c’est qu’on ne peut pas faire longtemps d’effet d’annonce. Si on y va, on y va ! Sinon on voit tout de suite la contradiction entre les affichages et les réalités. Dans l’agenda du président, avec son événement de décembre et la présence de Nicolas Hulot au gouvernement, il faudra démontrer la cohérence entre volonté d’incarner ce leadership et un certain nombre de décisions qui doivent être prises en France, notamment sur le plan financier.

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