2017, la mission impossible de Nicolas Hulot ?

Publié le 05/09/2016

Nicolas Hulot
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Outsiders inscrits de fait dans un champ politique dont ils contestent d’autant plus les règles qu’elles leur sont défavorables, les militants d’Europe écologie–Les Verts (EELV) considèrent l’élection présidentielle comme l’exemple paroxystique des dérives de la Ve République. Refusant la vision mythique – voire mystique – qui fait de cette élection la rencontre d’un homme et d’une nation, et contestant les représentations co-construites qui structurent le rôle présidentiel et l’image du « présidentiable » légitime, ils y participent néanmoins à chaque fois depuis leur constitution en parti politique en 1984 (Les Verts se sont, pour mémoire, transformés en EELV en 2010).

Bien qu’anticipant de faibles scores – Antoine Waechter en 1988, 3,78 % ; Dominique Voynet en 1995, 3,32 % ; Noël Mamère en 2002, 5,25 % ; Dominique Voynet en 2007, 1,57 % ; Éva Joly en 2012, 2,31 % – et conscients de s’engager dans une campagne coûteuse à tous points de vue, une majorité de militants et de dirigeants se laisse en effet toujours convaincre de l’utilité de défendre, malgré tout, une candidature, qui ne manquera pas d’être considérée comme une candidature « de témoignage ».

Légitimité, légitimation, présidentialisation

Invités à choisir celui ou celle qui les représentera dans cette élection aussi incontournable que redoutée, les écologistes ont testé toutes les modalités de primaire : fermée en 1988, 2002 et 2007 ; semi-ouverte en 1995, ouverte en 2011… Ils ont également expérimenté la compétition inter-organisations avec soutien de personnalités en 1974 et 1981, si l’on inclut ici les deux présidentielles qui précèdent la création formelle du parti.

Les critères de légitimité partisane – l’éthique, la compétence, et la notoriété – sont identiques depuis la création du parti. Deux profils de candidat-e-s ont émergé à l’occasion des sélections présidentielles. Premier d’entre eux, celui du « chef de parti », présumé candidat « naturel » au nom d’une interprétation relativement classique de l’esprit de l’institution présidentielle. C’est le cas d’Antoine Waechter et de Dominique Voynet en 1995. Second profil, celui d’un-e candidat-e « d’ouverture », susceptible de rallier des voix au-delà de la sphère d’influence partisane (Noël Mamère et Éva Joly).

Si le premier profil cadre avec la logique partisane, à condition de l’interpréter au regard de la présidentialisation des partis politiques qui reste, chez EELV, largement concomitante de l’ère Duflot et en grande partie déniée, le second permet de légitimer une « figure » extérieure ou peu impliquée dans les jeux du parti, ou dont l’engagement écologiste est à la fois récent et convaincant. Dans tous les cas, l’enjeu est double : mobiliser des militants et des sympathisants inégalement intéressés par une élection perdue d’avance, et affirmer la légitimité du parti sur les autres partis politiques et les multiples associations qui composent le milieu militant écologiste.

Ce dernier enjeu est particulièrement crucial : Les Verts puis EELV ont toujours échoué à monopoliser la représentation de l’écologie dans le champ politique français. Chaque candidat-e a été concurrencé-e par d’autres se réclamant tout autant de l’écologie politique, et si seuls Noël Mamère (en 2002) et Dominique Voynet (en 2007) ont concrètement dû faire face à cette concurrence au premier tour de l’élection présidentielle, c’est que Corinne Lepage puis José Bové ont été les seuls à obtenir les 500 parrainages requis par la loi. L’apparent monopole des candidat-e-s EELV tient ainsi paradoxalement plus à la lettre des institutions de la Ve République qu’à leur capacité de rassemblement.

Un-e candidat-e parfait-e ?

Incarner sans coup férir les propositions de fond que portent les écologistes au nom de la survie de l’espèce humaine et de la préservation de la planète. Représenter, ne serait-ce que momentanément, une unité de l’écologie politique d’autant plus mythifiée qu’elle n’a jamais existé. Rassembler un « peuple de l’écologie » déboussolé par les logiques de scissiparité plus que jamais à l’œuvre chez les écologistes. Remobiliser les forces militantes dans et au-delà du parti afin de faire le meilleur score possible, et être en situation d’imposer la prise en compte des enjeux écologiques après l’élection. Le tout sans culpabiliser de diviser la gauche dans un contexte politique menacé par le discrédit du gouvernement et la montée du Front national, sans souffrir de la violence symbolique à laquelle expose l’engagement politique, a fortiori lorsqu’il s’agit de concourir à l’élection phare au nom d’un parti minoritaire et relativement stigmatisé, sans malmener sa vie privée et sans hypothéquer sa carrière professionnelle…

Nicolas Hulot pensait très sûrement devoir affronter tout cela s’il acceptait de se présenter. Homme providentiel, au-dessus des partis, mobilisant ses réseaux personnels autant que ceux des formations politiques et associatives écologistes, et engageant le supplément de légitimité que sa mission auprès du Président François Hollande lui avait permis d’acquérir, voilà le rôle du présidentiable tel qu’il devait l’envisager.

Surpris, lors de la primaire écologiste de 2011, par sa défaite face à Éva Joly, il avait promis qu’on ne l’y reprendrait plus. Il faut reconnaître qu’il a tenu parole. Manquant ainsi l’occasion de transformer, avec humilité et patience, la représentation actuelle du « présidentiable » parfait, qui sied de toute façon si mal aux militants actifs et sincères de l’écologie.

The Conversation

Vanessa Jérome, politiste au LabEx Tepsis, École des Hautes Études en sciences sociales (EHESS) – PSL

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Photo de couverture : Nicolas Hulot a créé la surprise en annonçant son renoncement. Damien Senger/Flickr, CC BY-NC-ND

The Conversation

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