Par Adeline Pate, Webzine de l’école d’été INM
Berlin, 2014. Dans un camp de réfugiés de la ville, Patrick se rapproche de Sara, altermondialiste qui aide la communauté à faire valoir ses droits. À la suite d’une soirée de flirt, le jeune homme agresse sexuellement la jeune femme. La communauté de réfugiés doit alors décider si Patrick doit être exclu pour viol.
La cause des réfugiés prévaut-elle sur la cause des violences faites aux femmes ? C’est sur cette épineuse question que s’achève Safe Space (2014). Présenté par Alter Citoyens à la Société des Arts Technologiques (SAT) de Montréal, dans le cadre du Forum Social Mondial (FSM), ce court métrage de Zora Rux soulève de nombreux enjeux sur un sujet d’actualité sensible.
On sait que renvoyer un réfugié d’un camp revient à le condamner à l’incarcération, voire à la mort en cas de rapatriement dans son pays. Cela doit-il primer sur la reconnaissance du préjudice vécu par la victime qui sera confrontée à son agresseur au quotidien, au risque de banaliser son viol ?
Le bombardement médiatique sur les réfugiés tend à créer un désir de protection à l’encontre des étrangers qui seraient perçus comme un danger. Dans ce contexte, on peut comprendre la crainte des autres membres du camp à l’idée que la police soit informée. Le risque d’amalgames face à une idée reçue de délinquance sexuelle généralisée et celui de la fermeture administrative du camp représente pour eux un réel danger.
Ce film soulève aussi la culpabilité multiple à laquelle les victimes sont exposées. Dans le cas de Sara, elle porte le poids des accusations de responsabilités dans son agression, du risque encouru par Patrick, mais aussi du sentiment d’être à l’origine de ce que l’on pressent comme l’éclatement de la communauté.
Dernières secondes du film, une voix demande à Sara de prendre la décision finale. Silence.
Entre raison et émotion
La lumière revient et chacun semble en proie à un conflit intérieur. A l’écran comme dans la salle, la question de la culture est soulevée. Faut-il prendre en considération celle de Patrick, qui aurait pu l’inciter à interpréter l’attitude de Sara comme une ouverture ? Ou doit-on se référer aux codes du pays d’accueil ?
Pour Rita Acosta, travailleuse au Mouvement Contre le Viol et l’Inceste (MVCI) et intervenante suite à la diffusion, cet argument n’est pas recevable.
« Les agressions sexuelles ont été normalisées par les situations de guerre. Le viol ne fait pas partie d’une culture, c’est un rapport de pouvoir et les femmes sont les cibles de ces oppressions. »
Un choix engagé
Alter Citoyens est un média indépendant crée en 2007 avec l’objectif de donner la parole aux citoyens en s’appuyant sur le support vidéo. Associant tournages en manifestations et reportages, le collectif finance ses actions en proposant des prestations de tournage aux ONG. Pascale Rioux, membre active explique son choix de présenter ce film :
« Je l’ai vu dans le cadre des Courts Critiques, des soirées de présentation de courts-métrages engagés. Je l’ai trouvé particulièrement fort. Nous nous sommes dit que ce serait un sujet de débat intéressant à porter au Forum Social Mondial. »
Actuellement en concours en Europe, le film sera prochainement disponible dans le cadre de diffusions publiques.
Page Facebook « Safe Space » : https://www.facebook.com/safespace2014/
Site des Alter Citoyens : http://lesaltercitoyens.com/